Histoire

Les sauvages de ces îles, nommés Caraïbes soit mâles ou femelles, vont tout nus portant les cheveux derrière la tête, longs jusques à la ceinture et ceux de devant jusques aux sourcils. Ils s'arrachent les poils de la barbe, et lorsqu'elle est trop épaisse ils la rasent avec un certain roseau qui, étant mouillé et plié, rase aussi bien qu'un rasoir de barbier. Ils se frottent presque tous les matins avec une peinture rouge nommée couchieue, qui, étant détrempée avec de l'huile faite de noix de palme, les rend frais et les préserve de l'ardeur du soleil, outre que ce leur est un bel ornement sans lequel ils n'oseraient s'aller visiter les uns les autres. Ils sont plutôt petits que grands, mais forts adroits et robustes. Les hommes et les femmes sont beaux de visage et nullement sujets aux défauts de nature […].

Extrait du Manuscrit de Carpentras, récits d'un flibustier français (anonyme) dans la mer des Antilles en 1618-1620


Au début de la colonisation, alors que les colons étaient principalement implantés à l'Ouest, la côte Est de la Martinique était terre des indiens Caraïbes, comprenant l'actuelle commune de Sainte-Marie.

En 1659, suite à leur extermination, la veuve de l'ancien gouverneur Jacques Du Parquet fit don aux pères dominicains des terres du Fond-Saint-Jacques afin d'y bâtir "un couvent, une église et une sucrerie". Cette habitation, incluant l'emplacement actuel de la Maison d'Ô, a été marquée par la personnalité du père Labat, arrivé en Martinique en 1694. Elle prospéra jusqu'à la Révolution.

Au début des années 1920, le maire de Sainte-Marie obtient du gouverneur l’autorisation de construire une tannerie en bord de mer, à l’embouchure de la rivière Saint-Jacques. Le lieu présentait en effet des atouts pour cette activité qui nécessite beaucoup d’eau.

A titre anecdotique, l'un de mes oncles se souvient s’y être rendu à cheval avec ma grand-mère, qui y achetait fréquemment du cuir. Elle en faisait des sacs qui lui fournissaient un complément de revenus pendant que son mari était à la guerre.

En 1979, Monsieur Félix Lee-You est autorisé à installer un dancing dans le bâtiment de l’ancienne tannerie. Le lourd marteau-pilon, témoin du passé, y demeurera jusqu’à la fin, accompagnant de son immobilité obstinée les frasques des danseurs. Le dancing est nommé « Le Gaoulé », terme choisi parce qu’il signifierait « rassemblement » en langue caraïbe. Notons que les acceptations créoles du mot, parmi lesquelles « chahut », « danse » voire « débordement licencieux », en expriment mieux encore la nature. Devenu discothèque par la force des modes lexicales, il est définitivement fermé en 2007 suite aux ravages du cyclone Dean.

Il aura eu le temps de donner son nom à la « rue du Gaoulé ».

Le 9 octobre 2009, nous faisons l'acquisition du terrain et des bâtiments devenus insalubres. De cette histoire, la Maison d'Ô a conservé l'emplacement de l'ancienne tannerie et l'immuable marteau-pilon.